Le dialogue social : le point de vue de Jean-Denis Combrexelle, Directeur Général à la Direction du Travail du Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé

Pour son édition du 6 juillet 2011 le Cercle HUMANIA, sous l’égide de Kurt Salmon et de l’APEC, recevait Jean-Denis Combrexelle, Directeur Général à la Direction du Travail du Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, sur le thème : « Faut-il croire au dialogue social ? ».

En présence de 70 DRH représentant plus de 1 000 000 de salariés,  Jean-Denis Combrexelle, a été interrogé par l’équipe RH-Management de Kurt Salmon constituée de Claude Bodeau,  Gilbert David, Claire Vizzolini, Bertrand Coupin, Denis Fompeyrine, François Lafay, Médérick Trémaud, Sandrine Berkopec et Valery Tan.

Kurt Salmon RH-Management accompagne les entreprises dans leurs projets de transformation sur les volets, accompagnement du CODIR, accompagnement opérationnel des DRH et gestion des relations sociales et préparation des dossiers IRP.

«Tandis que les règles du jeu de la gestion du Capital Humain évoluent rapidement et que les changements législatifs sont de plus en plus nombreux et pointus, avec une individualisation croissante de la gestion des ressources humaines, quelle place reste-t-il pour le dialogue social dans le quotidien des DRH, entre progrès social et mutations économiques ? »

La négociation collective est aujourd’hui devenue une réalité où l’Etat détermine les grandes orientations et le calendrier des négociations,  et l’entreprise et les partenaires sociaux assurent de leur coté la production de la régulation sociale.

Comme l’a rappelé Jean-Denis COMBREXELLE, le nouveau droit de la négociation collective puise sa source dans deux dispositifs législatifs : la loi Larcher du 31 janvier 2007, et les indissociables lois du 4 mai 2004 et du 20 août 2008. La première, la loi Larcher a pour « obsession » la négociation collective en incitant les partenaires sociaux et les entreprises à devenir le lieu de production des normes régissant les relations professionnelles. La négociation collective a vocation à offrir des solutions avant la loi et le juge. L’Etat laisse au fond le champ libre aux acteurs du dialogue social, à l’encontre l’idée générale selon laquelle le législateur ou la Cour de Cassation aurait le monopole de la régulation des relations sociales.  Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement portant sur les relations de travail et relevant du champ de la négociation nationale interprofessionnelle doit faire l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales en vue d’une éventuelle négociation. Si la négociation est retenue, le Gouvernement  s’appuie sur les résultats avant de légiférer. Jean-Denis COMBREXELLE résume cette réforme par l’image de l’hyperbole selon laquelle la hiérarchie des normes serait inversée, la négociation collective l’emportant sur la loi !

De leurs côtés, les lois du 4 mai 2004 et du 20 août 2008 ont contribué au renforcement de la légitimité des accords et des conventions en accentuant le principe de majorité. Auparavant, le système de représentativité donnait aux cinq principales confédérations syndicales une « présomption dite irréfragable », leur permettant de négocier quelle que soit leur représentativité. Tandis qu’alors une seule signature d’organisation syndicale suffisait, aujourd’hui, ce sont les organisations syndicales majoritaires qui valident les accords. La loi de 2008 a scellé le principe, l’audience des signataires devant être au moins de 30%. Xavier Bertrand vient ainsi de saluer la forte activité en termes de signatures d’accords professionnels pour l’année 2010 : 25 accords signés au niveau interprofessionnel, 1 136 accords au niveau des branches et 33826 accords dans les entreprises.

Avec le centre de gravité de la production de normes descendant au niveau des entreprises, le dialogue social est donc plus que jamais d’actualité, confirme Jean-Denis Combrexelle. L’année 2010 a vu la signature d’un nombre important d’accords, les salaires restant le premier thème de négociation, accompagnés des classifications professionnelles et les systèmes de primes. Ira-t-on alors jusqu’à dire que les négociations collectives peuvent déterminer les politiques RH comme la politique de rémunération et les processus qui y sont associés ?

Les négociations ont finalement un impact fort sur l’élaboration des politiques RH et les processus RH associés, car nombre de pratiques RH sont concernées par la négociation collective, au-delà d’une simple coexistence.

Selon Jean-Denis COMBREXELLE, le règlement de la question du temps de travail via la négociation collective fait figure de modèle, avec un essor considérable de la négociation d’entreprise à propos de l’application des 35 heures ainsi qu’un nombre très important de salariés impliqués par les accords concernés. Les accords sur les 35 heures ont marqué un approfondissement de la négociation collective, et son ancrage au sein des processus gestionnaires de l’entreprise.  En effet, selon les vœux du législateur, avec la négociation collective, les 35 heures devaient favoriser les conditions de la création d’emplois. En se positionnant sur le terrain l’origine de ces décisions, la négociation a amplifié ses modes d’intervention et s’est constituée une place durable au sein des DRH en actionnant des leviers sur les processus d’ouverture de postes.

Sur la rémunération, les projets de refonte des processus en matière de paie conduits par Kurt Salmon sont impactés par la négociation collective. La priorité porte parfois sur la gestion des risques règlementaires et la mise en conformité des pratiques, en particulier pour la paie. Les processus qui sont déployés doivent tenir compte des spécificités des accords d’entreprise et des particularités locales dont les règles particulières des filiales. Les accords ne se mettent pas uniquement en place au niveau des branches, mais à une échelle parfois plus fine. Il en va de même pour la mise en œuvre des accords GPEC qui démontrent également le besoin de cohérence des projets de transformation avec les accords collectifs. D’abord pensées comme une innovation gestionnaire censée permettre un management stratégique des ressources humaines, puis moins vague par la suite, les démarches GPEC ont été ressuscitées, explique Jean-Denis Combrexelle, par le gouvernement qui souhaitait inciter les entreprises à anticiper les restructurations et favoriser la reconversion des emplois menacés en développant l’employabilité des salariés. Sur une même thématique RH, les finalités stratégiques de l’Etat et celles des entreprises peuvent parfois diverger.  

Les stratégies des DRH pour optimiser les ressources doivent intégrer L’agenda social, tandis que le constat général est que la gestion des ressources humaines est de plus en plus tournée vers l’individu et moins vers le collectif.

Si l’Etat a pu faire le choix de modérer son intervention dans la régulation des relations sociales afin de laisser l’initiative aux acteurs de terrain, encore faut-il se poser la question de l’intérêt des entreprises à nouer ce dialogue. Aujourd’hui, dans un contexte de gestion individuelle des ressources humaines, il devient difficile de promouvoir des règles collectives, rappelle Jean-Denis Combrexelle.

Les conventions collectives peuvent définir des statuts ainsi que les grilles salariales correspondantes et déterminer les salaires en fonction du statut. Dans ce cas, la politique salariale est directement calquée sur les dispositions de la convention, et des entreprises engagées dans des stratégies de  coûts peuvent opter pour ces rémunérations minimales, au moins sur les populations qu’elles considèrent comme le moins stratégique. Ce serait cependant ignorer les logiques de rétribution de la performance individuelle, d’individualisation des parcours de carrière et d’évaluation de la performance individuelle qui sont une lame de fond des politiques RH de nos entreprises et des aspirations de leurs salarié, affirme Jean-Denis Combrexelle. De la même manière, les syndicats doivent faire face à la notion d’individualisme. De leur ambition première de cellule pertinente dans la transformation de la société, ils sont aujourd’hui passés à un rôle plus modeste de prestation de conseil juridique en cas de contentieux individuel. Mais finalement, si les syndicats se font les porte-parole des revendications individuelles, on pourrait y voir l’intérêt des DRH à bénéficier d’un interlocuteur unique. Sur les contentieux, en effet, mieux vaut avoir à négocier avec un représentant du personnel qu’à gérer une somme de velléités individuelles…

Auteur : Equipe du Cercle Humania RH-Management

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