Fusions : et si insister sur les différences facilitait la dynamique commune ?

Le premier réflexe des dirigeants qui mènent une fusion, c’est de vouloir le plus rapidement possible rapprocher, converger, se donner des objectifs et des processus communs.

Cela peut paraître surprenant, mais pour créer une vraie dynamique commune, il vaut mieux, dans un premier temps, insister sur les différences : valoriser les particularités des deux populations qui vont fusionner, leurs valeurs, ce qui fait leur fierté et leur identité.

Dans une démarche de fusion on se trouve aux prises avec deux faits humains inévitables, autant que les hommes et les femmes resteront des hommes et des femmes.

  • Le premier est la peur de se faire « bouffer » par l’autre : le « qui va bouffer qui ? » est sans doute l’une des manifestations-réflexes du cerveau la plus reptilienne qui soit. Car même si les dirigeants ont des discours positifs et optimistes, même si les collaborateurs des deux camps font preuve d’une grande ouverture aux autres, toute fusion entraîne inévitablement, et de haut en bas de l’organisation, la peur de se faire bouffer par l’autre. Sachant en outre que plus on monte dans la hiérarchie, plus les risques sont élevés de se faire « bouffer », la bataille des postes de dirigeants offre toujours un spectacle regardé avec inquiétude et/ou amusement par la masse, et donne lieu à d’innombrables commentaires, rumeurs et prises de pari.
  • Le deuxième fait est qu’une fusion est toujours subie. Elle est toujours décidée en plus haut lieu, voire à l’extérieur de l’entreprise, et n’est jamais soumise à l’approbation des personnels concernés. Or une fusion remet presque tout en cause pour les individus et les équipes : changement d’organisation et de périmètre de travail, de processus, de gouvernance et de pilotage, de vision, et même d’identité professionnelle pour au moins l’un des deux camps, voire les deux en cas de changement de nom. Aussi des personnes qui se sont investies pendant de longues années et qui tirent de la fierté de ce qu’ils ont construit doivent rapidement effectuer un travail dit de « deuil », dont les différentes phases sont désormais bien connues : la colère, le marchandage, la tristesse, l’acceptation puis la découverte d’un bénéfice caché.

Aussi voici les grandes étapes d’une démarche permettant de surmonter ces deux freins, et de mettre rapidement en dynamique constructive l’ensemble des collaborateurs :

  1. Refaire l’histoire : dans cette étape préalable, chaque équipe se prépare à raconter à son homologue de l’autre camp ce qui fait qu’elle est ce qu’elle est : les dates-clés et ses grandes réussites, ses valeurs fondamentales et ses fiertés, ses particularités et ce qui de son point de vue doit absolument être préservé lors de la fusion, et enfin la valeur qu’elle va apporter dans la nouvelle structure. Cette étape peut être réalisée par des groupes de travail de 2 x une demi-journée.
  2. Partager les histoires et faire connaissance : les équipes qui sont appelées à travailler ensemble se rencontrent, font individuellement connaissance et prennent réciproquement connaissance de l’histoire et des particularités de son homologue (une demi-journée à une journée de séminaire).
  3. Converger sur la passion du métier et les grands défis : après avoir pris connaissance et reconnu les spécificités de l’autre camp, le travail de rapprochement peut démarrer, en commençant par la passion du métier, ce qui fait que l’on a envie de venir travailler le matin, qui se révèle souvent identique de part et d’autre, sinon compatible et complémentaire. On poursuit sur les grands défis à relever ensemble (une demi-journée de séminaire).
  4. Se donner des objectifs communs : le travail sur la vision partagée se termine par l’identification d’objectifs communs, et des conditions de réussite pour les atteindre (une demi-journée de séminaire).
  5. Converger : ce n’est que lors d’un cinquième temps que commence le travail de convergence « technique » sur les règles, les processus et les méthodes de travail (groupes de travail ad hoc réunissant les expertises concernées). Le temps passé sur les 4 premières étapes permet d’en gagner beaucoup plus par la suite !

Cette démarche est valable et applicable à tous les niveaux, de la Direction aux équipes terrain. Elle présente un deuxième avantage : pouvoir commencer à travailler sur la mise en dynamique des équipes alors que toutes les conditions techniques ne sont pas encore réunies, et donc de gérer le temps entre l’annonce de la fusion et sa concrétisation.

Pour terminer, voici quelques clés de réussite supplémentaires pour le succès d’une fusion :

  • Travailler la formulation du projet commun jusqu’à lui donner un caractère d’évidence
  • Poser les règles de fonctionnement pour la période de transition, en veillant à leur caractère d’équité entre les deux entreprises
  • Clarifier les processus de décision de la phase de construction, en veillant à leur caractère d’équilibre entre les deux entreprises

Auteur : Philippe Dellière

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