Le handicap, et si on franchissait le cap ?

Le handicap, et si on franchissait le cap ?

Afin d’assurer l’insertion et le maintien des personnes en situation de handicap dans l’emploi, plusieurs solutions ont été mises en œuvre. Pourtant, fin juin 2017, 496.199 demandeurs d’emploi en situation de handicap étaient inscrits à Pôle Emploi, soit une augmentation de 8,5% par rapport à juin 2016 [1].

Quels sont les obstacles que rencontrent aujourd’hui les personnes en situation de handicap dans leur quête d’emploi et qui expliquent ce constat ? Quelles solutions envisager pour améliorer leur taux d’emploi ? Mais avant tout, que signifie réellement le mot « handicap » ?

Qu’est-ce-que le handicap ?

Le handicap est souvent associé à une incapacité physique. Pourtant, seuls 15% des handicaps sont visibles et 90% des personnes en situation de handicap ne nécessitent pas d’aménagement de poste. De plus, parce qu’une personne sur deux sera confrontée à une situation de handicap au cours de sa vie active[2], il nous semble nécessaire de rappeler le sens du mot « handicap ».

Le terme handicap englobe une dimension sociale et environnementale. Nous ne parlons plus de « personne handicapée » mais de « personne en situation de handicap ». Cela s’explique par le fait que le handicap résulte d’une inadéquation entre les capacités restreintes d’une personne avec son environnement de vie. Ainsi, la formulation « personne en situation de handicap » souligne la nécessaire évolution de l’environnement afin de garantir une meilleure adaptation aux besoins de toute personne concernée. Selon la loi N°2005-102 « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »

Le handicap en milieu professionnel : l’OETH comme mesure d’insertion et de maintien des personnes en situation de handicap dans l’emploi

En vue de favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, les articles L. 5212-1 et suivants ainsi que R.5212-1 et suivants du Code du travail prévoient l’obligation pour tout employeur d’au moins 20 salariés d’employer à temps plein ou à temps partiel des travailleurs handicapés dans une proportion de 6% de l’effectif total. Tout employeur, ne remplissant pas ou que partiellement cette obligation, est tenu de s’acquitter d’une contribution à l’AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées) s’il s’agit d’un employeur privé ou au FIPHFP (Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique) pour un employeur du secteur public. Cette mesure se nomme « l’Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés (OETH) »

Afin de s’acquitter de l’OETH, en totalité ou en partie, plusieurs dispositifs peuvent être mis en œuvre :

  1. Embauches directes à temps plein ou à temps partiel (CDI, CDD, contrat d’apprentissage ou de professionnalisation).
  2. Accueil de personnes en situation de handicap pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel.
  3. Etablissement de contrats avec des acteurs du secteur protégé/adapté ou avec des travailleurs indépendants en situation de handicap.
  4. Mise en place d’un accord de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement prévoyant la mise en œuvre d’un programme en faveur des personnes en situation de handicap.

Enfin, d’autres initiatives existent à l’exemple du contrat de rééducation professionnelle (CDD ayant pour objectif de permettre à un individu en situation de handicap de se réhabituer à son ancienne fonction ou d’être reclassé sur un nouveau métier).

Le handicap en milieu professionnel : entre objectifs et réalités.

Selon une étude initiée par l’Observatoire de la Fondation Malakoff Médéric Handicap et réalisée par Qualiquanti en 2017, le profil des personnes en situation de handicap face à l’insertion professionnelle se décline de la manière suivante :

L’enquête a mis en lumière les difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap dans leurs recherches d’emploi. En effet, l’accès à l’emploi s’avère compliqué du fait d’une part, de la conjoncture économique (seules 33% des 650 entreprises interrogées en 2015 prévoyaient de recruter une personne en situation de handicap)[1] mais également en raison de nombreux refus, d’absence de réponse aux candidatures envoyées, de l’inadéquation entre l’emploi proposé et le niveau de diplôme du candidat ou encore à cause du manque de visibilité des offres d’emploi (notamment les contraintes physiques du poste, l’accessibilité etc.).

Toujours selon cette étude, les préjugés persistent une fois que le travailleur en situation de handicap occupe un emploi : « les employeurs ont peur des absences vu que je suis handicapé, et pourtant je ne suis pas plus malade que quelqu’un d’autre ». La mauvaise qualité de l’insertion au sein des équipes, la discrimination de la part des autres collaborateurs, l’assimilation du handicap comme situation complexe à gérer ou encore la difficulté à évoluer au sein d’une entreprise constituent également un facteur d’échec.

Notons simplement que cette étude, fondée sur un questionnaire en ligne anonyme destiné à recueillir le ressenti des personnes handicapées face à l’accès et au maintien dans l’emploi, repose sur l’analyse qualitative de 669 questionnaires. Les répondants à l’enquête sont en majorité des femmes ayant acquis un handicap au cours de leur vie. De ce fait, il ne s’agit pas d’une enquête représentative de la situation de toute personne handicapée en France, toutefois, celle-ci nous donne un aperçu sur la tendance générale d’insatisfaction des personnes en situation de handicap face à l’accès à l’emploi.

A ce propos, le Défenseur des droits, Jacques Toubon dénonce l’insuffisance de données chiffrées sur la situation des personnes handicapées en France et souligne, dans son rapport d’activité 2017 paru le 11 avril dernier, que le handicap est passé en première position des motifs de discrimination pour lesquels le Défenseur des droits est saisi. Plus de 93.000 réclamations ont été enregistrées, ce qui représente 21,8% du total des motifs de saisines, bien avant l’origine (17,8%), l’état de santé (11,9%), la nationalité (7,1%) ou encore les activités syndicales (5,9%). Pour mieux répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, le Défenseur des droits rappelle l’importance de la création d’un dispositif national de recueil de données.

Le handicap en milieu professionnel : quelles solutions ?

Pendant leur phase de recherche d’emploi, les personnes en situation de handicap peuvent s’orienter vers les dispositifs suivants :

  1. Le dispositif de l’emploi accompagné: Accompagnement médico-social et soutien à l’insertion professionnelle. Il est mobilisable tout au long du parcours professionnel (aide à la détermination du projet professionnel, facilitation de l’accès à la formation, etc.)
  2. Les Etablissements et Services d’Aide par le Travail (ESAT): représentent des structures médico-sociales de travail proposant aux personnes en situation de handicap des activités rémunérées et adaptées à leur situation.
  3. Les Entreprises Adaptées (EA): permettent à une personne en situation de handicap d’occuper un emploi au même titre que dans une entreprise du milieu ordinaire, dans des conditions adaptées. Elles emploient au minimum 80% de personnes handicapées.

De plus, des conseillers spécialisés peuvent également accompagner les personnes en situation de handicap dans l’insertion et le maintien dans l’emploi à l’exemple de Pôle Emploi, des Permanences d’Accueil, d’Information et d’Orientation (PAIO), de l’AGEFIPH, du réseau Cap Emploi ou encore des associations spécialisées.

Quant aux employeurs, plusieurs solutions sont déployées afin de les accompagner dans leur démarche d’inclusion. Des agences de recrutement, de formation et de communication en faveur de la diversité collaborent avec des centaines d’entreprises. Des forums en ligne dédiés aux personnes en situation de handicap permettent aussi de créer le lien entre employeurs et travailleurs handicapés de manière digitale et ludique.

Par ailleurs, face au manque de visibilité des offres d’emploi adaptées aux personnes en situation de handicap, des sites dédiés existent à ce jour mais il reste encore beaucoup à faire. Notons cependant qu’il est interdit de mentionner qu’une offre d’emploi est à destination exclusive d’une personne en situation de handicap. Il s’agirait de discrimination positive punie par la loi (Article 225-1 et 225-2 du code pénal).

Afin d’éradiquer les préjugés, des actions de sensibilisation à destination de tous les collaborateurs peuvent être envisagées (formations sur le handicap, ateliers autour de parcours sensoriels, organisation de sessions de témoignage, distribution de guides ludiques de bonnes pratiques etc.) A ce propos, l’opération de sensibilisation DuoDay est une des alternatives offertes pour se projeter à la fois en tant qu’employeur mais aussi en tant que travailleur en situation de handicap au sein d’une entreprise, administration ou association. Il est possible ainsi d’accueillir le temps d’une journée à 5 jours une personne handicapée afin qu’elle travaille en duo avec un collaborateur volontaire.

Enfin, parce que la sensibilisation est plus efficace lorsqu’elle se fait dès le plus jeune âge, il existe aujourd’hui plusieurs jeux de société, ou escape games dédiés au sujet du handicap.

Plus original encore, la société Apple a soumis au comité en charge de valider les propositions d’émojis nommé Unicode Consortium, 13 nouvelles illustrations représentant chacune une forme de handicap. Ces émojis constituant aujourd’hui un langage à part entière, contribueront probablement à sensibiliser les utilisateurs au handicap et à la nécessité d’inclusion sociétale et professionnelle. Si Unicode Consortium valide la demande, les émojis seront visibles sur votre écran dès l’année 2019.

[1] Selon l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées

[2] Selon le rapport annuel 2007 de l’AGEFIPH

[3] Selon l’étude réalisée en 2015 par l’Observatoire de la Fondation Malakoff Médéric Handicap auprès de 650 entreprises.

Séverine HASSLER, responsable Ressources Humaines

Carole SENS, chargée de mission RSE

Myriem SETTI, consultante People & Change

3 thoughts on “Le handicap, et si on franchissait le cap ?

  1. Bonjour, votre article est intéressant,

    les dispositifs d’accompagnement à l’emploi des personnes handicapés, prennent-ils en compte les handicaps non visibles mais reconnus par la MDPH?
    C’est un parcours du combattant parfois pour décrocher avec un salaire décent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to top