Management et Qualité de Vie au Travail à l’épreuve de la crise sanitaire

Longtemps appréhendée sous le prisme de la prévention des Risques Psycho-Sociaux, la Qualité de Vie au Travail (QVT) s’est imposée au sein des entreprises et dans le secteur public comme un élément déterminant des politiques menées en matière de ressources humaines. Pour certains, facteur essentiel de la marque employeur, pour d’autres, composante de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE), ou encore simple levier managérial, force est de constater qu’il existe autant de compréhensions de ce que nous nommons QVT que d’entreprises, et qu’il est difficile d’en trouver une définition exhaustive.

Et si la crise sanitaire nous aidait à y voir plus clair en mettant sous le projecteur les « vraies » composantes de la QVT, celles qui résonnent différemment lorsque le cadre rassurant de la routine « métro-boulot-dodo » est bouleversé par une situation « extra-ordinaire » comme la crise sanitaire actuelle qui remet en cause bien des paradigmes que nous pensions immuables…

Finalement, après deux confinements pendant lesquels les entreprises et leurs collaborateurs ont dû s’adapter en profondeur et inventer ou réinventer de nouvelles manières de travailler pour ne pas sombrer dans la crise économique, il est assez aisé de distinguer 4 dimensions structurantes de la QVT :

  1. La perception qu’ont les collaborateurs du leadership de leur entreprise et de sa capacité à « donner le cap dans la tempête » et à réorienter le sens de l’action « en mode survie », pour maintenir l’engagement et la motivation sans lesquelles le travail est vide de sens
  2. La capacité du management de proximité à maintenir, malgré l’éloignement physique lié au télétravail, la cohésion, la dynamique collective et la performance des équipes
  3. L’équilibre vie personnelle/vie professionnelle, que le télétravail met aujourd’hui sous les projecteurs en nous montrant la subjectivité de certains partis pris « du temps calme »
  4. Les conditions matérielles de travail (ergonomie et équipements du poste de travail), qui dépassent désormais le seul cadre géographique de l’entreprise, mais qui viennent s’immiscer au sein de la sphère privée

Regardons d’un peu plus près chacune de ses dimensions et identifions en quoi la crise sanitaire les instaure en colonne vertébrale de la QVT.

 

Leadership : Vision et sens du travail

« Je suis rassuré. J’ai participé à une visioconférence de notre directeur général qui s’est adressé à tous les collaborateurs de mon entreprise pour présenter sa vision de la crise, ses impacts sur la performance du groupe, et sa stratégie pour la surmonter… Il a prévu de nous refaire un point régulièrement… ».

Voilà ce que nous disait Paul S. lors du 1er confinement. Le DG de son entreprise a su réinsuffler de la confiance pour donner à ses collaborateurs un nouveau cap, sans leur cacher les difficultés. La communication de la Vision et du Sens de l’action est plus que jamais nécessaire lorsque le bateau tangue. La QVT, c’est donc d’abord le sentiment, diffuseur de confiance, que quoi qu’il arrive la situation est sous contrôle et que les bonnes décisions sont prises pour garantir la pérennité de l’entreprise. Cela apparaît comme une évidence en situation de crise.

Mais combien de dirigeants pensent-ils à redonner vision et sens lorsque tout va bien ?… Ne pas le faire, c’est courir le risque de voir se déliter progressivement le ciment de l’engagement et de la motivation des collaborateurs, qui quoi qu’on en dise, y compris dans des environnements « libérés » à organigrammes « plats », ont besoin périodiquement d’une boussole pour leur rappeler le sens de leur travail et les valeurs entrepreneuriales qui le sous-tendent. Rappeler la vision et le sens n’est pas l’apanage du top-management, mais c’est la clé de voute d’une démarche identique à tous les échelons du management, managers intermédiaires et managers de proximité, pour rappeler la raison d’être de l’engagement du collaborateur au service de son entreprise. Etre conforté dans le « Pourquoi » et le « Pour Quoi » de son engagement constitue le fondement de la perception qu’un collaborateur peut avoir de sa qualité de vie au travail.

 

Management de proximité : un échelon essentiel et décisif pour surmonter la crise

Cela fait 10 jours que je n’ai eu aucun contact avec mon manager…et je suis un peu perturbé. Je ne sais pas si ce que je fais va dans la bonne direction… (Daniel P.)

Le confinement a du bon. Mon manager m’a donné des objectifs clairs et on s’est donné rendez-vous dans 15 jours pour faire un point d’avancement…..ce qui ne l’empêche pas de se manifester régulièrement pour me demander si j’ai des difficultés… Et c’est aussi l’occasion de parler de tout et de rien…..(Annabelle S.)

C’est l’enfer !  Mon manager se manifeste en permanence pour vérifier que je bosse bien sur le projet. Je pense surtout qu’il veut savoir si je suis effectivement au boulot (Sigoulène S.)

Quoi de plus parlant pour mettre en évidence le rôle du manager de proximité comme constituant déterminant de la QVT d’un collaborateur ! La crise sanitaire, en bouleversant le mode classique de relations entre un collaborateur et son manager, est un formidable révélateur des forces et faiblesses managériales. Comment se positionner à distance vis-à-vis de ses équipes, comment rassurer, maintenir la cohésion et le sentiment d’appartenance, mesurer la performance individuelle et collective, en trouvant un ton juste et adapté à chaque situation individuelle, les conditions du confinement n’étant pas identiques pour chacun ? La conclusion s’impose : être un bon manager de proximité dans ces conditions nécessite d’être d’abord un excellent manager du temps « calme », celui qui connaîtra suffisamment ses collaborateurs pour savoir quel registre adopter, celui qui saura déléguer à bon escient, celui qui saura donner des objectifs clairs, etc…

 

Equilibre vie personnelle / vie professionnelle : une dimension clé de la QVT

« Le télétravail me permet de m’organiser à ma guise »

« Le télétravail est un enfer pour moi : je ne peux pas m’isoler, j’ai des enfants en bas âge,… »

« Je ne sais plus à quel moment je travaille et à quel moment je suis simplement chez moi… je ne me déconnecte jamais, et personne ne m’y incite … »

La crise sanitaire a mis en exergue les difficultés à concilier la vie professionnelle et la vie personnelle : des emplois du temps chamboulés, des réunions à répétition et sans transition, des pauses déjeuners écourtées…, le tout devant être concilié avec l’organisation de son foyer, la réalisation des tâches ménagères et potentiellement la gestion de la vie scolaire des enfants.

Cette pandémie a changé les modes quotidiens de fonctionnement, et ce train de vie est venu mettre à mal un certain nombre d’avancées réalisées ces dernières années en matière de QVT. Ainsi, par exemple, la confusion du lieu de travail et du domicile a rendu inopérante le droit à la connexion qui était considéré jusqu’à maintenant comme une avancée importante. Les efforts de productivité à réaliser et la charge mentale associée à la situation ont fait baisser la garde aux employeurs en matière de QVT. Le sujet n’a pas été dépriorisé, mais il a été rangé au second plan, dans un contexte nouveau et déstabilisant, alors même qu’il s’agit d’autant plus d’une composante structurante du quotidien des collaborateurs.

 

Conditions matérielles de travail : une préoccupation qui doit désormais dépasser le cadre strict du « bureau » traditionnel

« Heureusement mon travail me permet de pouvoir l’effectuer à distance sans trop de difficultés, et je télétravaillais déjà auparavant »

« J’ai un ordinateur portable et je me suis dit naïvement que ce serait pareil au travail qu’à la maison… sauf que quelques semaines sont passées, que j’ai mal au dos parce que ma chaise n’est pas faite pour et ma connexion wifi n’est clairement pas optimale, ce qui rend certaines réunions difficiles à suivre… on ne peut pas faire de bon travail sans de bons outils ».

Si cette notion de Qualité de vie au travail n’est pas aussi facile à appréhender, il semble évident que les conditions matérielles de travail y ont leur place. Le confinement, le télétravail, les mesures barrières… chacun de ces éléments a eu une influence directe sur les conditions de travail de tous les collaborateurs. Si le télétravail s’est avéré une arme efficace pour maintenir l’activité lorsque cela était possible, il n’en est pas moins qu’un certain nombre de problématiques sont venues percuter directement certaines idées reçues et/ou positions naïves :  Au-delà de l’inconfort mental potentiel de travailler à distance, les premiers raisonnements – logiques – ont consisté à rendre viable l’activité chez soi, en s’adaptant au fil de l’eau et avec « les moyens du bord », en prodiguant des conseils d’utilisation des outils, des postures,….

Il est peut-être temps de voir le verre à moitié plein : comment rendre le travail à distance « confortable » ? comment peut-il être au service d’une meilleure performance et permettre aux collaborateurs de travailler dans un cadre « professionnel » agréable et optimal ? Les enjeux sont trop importants pour ne pas les prendre à bras le corps : Bien être, motivation, engagement, performance, productivité.

Oui, l’employeur doit aujourd’hui répondre au paradoxe qui s’impose à lui : permettre un cadre de travail de qualité… à la maison !

 

Au bilan…

La crise sanitaire que nous vivons, en remettant brutalement en cause nos habitudes et nos certitudes, nous permet donc de réinterroger ce qu’il est encore convenu d’appeler la Qualité de Vie au Travail. On voit bien que les deux confinements que nous avons vécus ont conduit à brouiller la notion de travail, à la fois dans son contenu, comme dans son contenant. Le référentiel habituel du monde du travail – entreprise, bureau, horaires de travail, réunions, performance, productivité, bilans…. – vacille au gré des décisions gouvernementales et de la capacité d’adaptation des entreprises et des collaborateurs. Un autre référentiel – télétravail, travail à distance, équilibre de vie, qualité du management …..- s’est révélé structurant pour gérer la crise, en installant le collaborateur en enjeu stratégique de l’entreprise . Finalement, cette crise ne nous rappelle-t-elle pas à bon escient qu’« il n’est de richesses que d’hommes » (Jean Bodin).

C’est à ce titre que Wavestone a saisi l’opportunité de cette crise sanitaire pour développer au profit de ses clients des actions ciblées d’accompagnement à destination des managers et des collaborateurs. Pour les premiers, elles ont pour objet de les aider à identifier et mettre en œuvre des pratiques managériales adaptées au management à distance, qui, comme on l’a vu, a toutes les chances de devenir durablement un mode de travail du « temps calme », parmi d’autres. Concernant les collaborateurs, Wavestone les accompagne individuellement et/ou collectivement à installer un cadre et un environnement qui leur permettent de mieux vivre cette période où la notion de travail s’est invitée dans la sphère privée.

C’est ainsi que Wavestone a accompagné l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), ou encore la Mutuelle Générale de l’Economie et des Finances (MGEFI) pour sensibiliser et former les managers au management agile hybride (distanciel/présentiel), et à ses implications en matière de QVT.

Finalement, cette crise met en évidence la nécessité de réinventer le management en l’axant sur le sens du travail et le bien-être des Femmes et des Hommes qui doit rester en toutes circonstances une préoccupation essentielle des entreprises socialement responsables, si elles veulent développer la résilience qui leur permettra de surmonter les crises suivantes.

Philippe Got, senior business advisor
Philippe Got, senior business advisor
Michael Pleskof, manager
Michael Pleskof, manager

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