Cercle Humania : le rapport des syndicats avec le pouvoir politique

Le 28 mars dernier, le Cercle Humania, sous l’égide de l’Apec et de Kurt Salmon, invitait François Chérèque, Secrétaire Général de la CFDT. Le thème de la soirée portait sur le rapport des syndicats avec le pouvoir politique. 

Les 100 Directeurs des Ressources Humaines présents ont pu écouter avec attention l’analyse limpide de François Chérèque sur cette thématique particulièrement pertinente en période de campagne électorale.

L’équipe de Kurt Salmon présente, était constituée, pour la circonstance, de Claude Bodeau et Gilbert David, Associés, Yves Synold, Directeur, Laurent Friedmann et Jean-Christophe Procot, Senior Managers, Olivia Bonhomme et Aurélien Ribeire, Business Analysts.

Kurt Salmon RH-Management accompagne les entreprises sur tous les grands enjeux d‘organisation et de transformation. En guise d’introduction, François Chérèque est revenu sur l’histoire du syndicalisme français et ses liens ambigus avec le pouvoir politique. Les enseignements de l’histoire devant permettre de ne pas réitérer les erreurs du passé.

Si la Charte d’Amiens adoptée en 1906 par la CGT consacre l’apolitisme des syndicats et leur refus de subordination, il n’en demeure pas moins que syndicats et pouvoir politique subissent des influences réciproques, ne serait ce que par leur volonté commune de se saisir de la plupart des sujets de société pour y apporter leurs idées et leurs solutions.

Si la doxa est claire et affirme l’autonomie du monde syndical vis-à-vis du politique, dans les faits, leur proximité, voire leurs immixtions réciproques, fut, et reste le plus souvent une réalité, variable selon les époques et les organisations syndicales.

Comme l’a rappelé François Chérèque, la CGT fut pendant des décennies le compagnon de route privilégié du Parti Communiste. Cette connexion est encore palpable dans la campagne électorale actuelle puisque le syndicat ne cache ni son penchant pour le candidat du Front de Gauche, ni ses appels à faire barrage à Nicolas Sarkozy.

Autre temps, autres mœurs, François Chérèque a rappelé les errances politiques de la CFDT, qui en 1974, céda aux sirènes de la gauche lors des Assises du Socialisme.

François Mitterrand avait pour projet de réunir sous la même bannière, le PS, le PSU et la CFDT. Le soutien apporté par la CFDT au candidat socialiste lors de l’élection de 1981 lui coûta très cher quand intervint le tournant de la rigueur en 1983. François Chérèque a parlé de cette compromission comme d’une expérience douloureuse dont la CFDT mit du temps à se relever, perdant près de 40% de ses adhérents.

Eprouvée par cet épisode, la CFDT en a manifestement tiré les enseignements. Elle s’est depuis clairement émancipée de toute tutelle politique. Dans cet esprit, le syndicat s’est engagé, par la suite, sur une ligne clairement réformiste, se démarquant des autres syndicats, et n’hésitant pas à soutenir les réformes qui lui paraissaient pertinentes, qu’elles émanent de gouvernements de droite ou de gauche, sans a priori. Ce fut notamment le cas en 1995 avec le projet de réforme de la Sécurité Sociale défendu par le gouvernement Juppé. Ainsi, sous la direction de Nicole Notat, la CFDT a su s’imposer, par son réformisme, comme un interlocuteur crédible auprès du gouvernement et des entreprises.

Fort de ce constat, François Chérèque a estimé que le syndicalisme d’aujourd’hui devait continuer dans cette direction réformiste, et assoir sa légitimité sur la base d’une démocratie sociale irréductiblement autonome, déconnectée des logiques de partis politiques et résolument tournée vers le monde du travail.

Cette position vis-vis du pouvoir politique d’une part et du corps social d’autre part, repose sur une transparence de fonctionnement du syndicat mais surtout sur la démonstration de sa capacité à négocier et à influer sur les réformes en cours. Les lois du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social et du 20 août 2008 sur la réforme de la représentativité syndicale vont dans ce sens.

D’une manière plus large, François Chérèque a souligné l’efficacité, la sérénité et la fluidité des transformations dès lors qu’elles sont réalisées dans le cadre de véritables concertations qui n’ont pas lieu dans l’urgence, en citant pour exemple l’adoption de la loi sur la rupture conventionnelle et comme contre exemple les débats qui ont aboutis à la réforme des retraites.

Evoquant la campagne électorale, François Chérèque nous a dit qu’elle était l’occasion d’aligner l’agenda social sur l’agenda politique et d’échanger avec l’ensemble des candidats sur leurs propositions en matière d’emploi et de lutte contre le chômage. Dans ce cadre, La CFDT a adopté formellement la posture « ni neutre, ni partisan».

François Chérèque se refuse donc à soutenir tel ou tel candidat. Il a cependant assuré que toute proposition allant dans le sens d’une amélioration de l’insertion sociale serait soutenue. Il souhaiterait en outre que la démocratie sociale prenne une place plus importante dans les programmes des candidats.

Le Secrétaire Général de la CFDT a identifié 3 enjeux clés de la CFDT pour la période post-électorale :

• la défense de la justice sociale et la lutte contre les inégalités face à l’emploi, avec la nécessité de converger rapidement vers un système de retraite unique basé sur la durée des cotisations ;

• l’amélioration de la compétitivité du pays via le triptyque investissement- recherche- dialogue social ;

• un maintien de l’équilibre entre démocratie politique et démocratie sociale.

François Chérèque a clos son intervention en rappelant que les syndicats ont un devoir de réalisme face aux défis sociétaux de demain, même si ces derniers passent par des réformes qui peuvent parfois être impopulaires.

 Auteurs : Laurent Friedmann, Senior Manager, Aurélien Ribeire, Consultant, RH-Management

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