Un dossier rémunération pour les financiers – propos suite à la parution d’un dossier Performance et Rémunération dans la revue Echanges de juillet-août 2012

L’équipe RH – Management de Kurt Salmon a contribué, à la demande de son partenaire juridique Fromont Briens, à un dossier Performance et Rémunération publié en juillet par la revue Echanges de l’association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG). L’objectif du dossier est de donner aux directeurs financiers un échantillon de points de vue très divers, du plus théorique au plus technique. Sont ainsi rassemblés des articles de 2 universitaires, l’un juriste et l’autre sociologue, de 2 DRH (des sociétés Nespresso et ID Logistics), de 3 cabinets de conseils dont KS, et de Fromont Briens.

L’introduction du dossier (article Rémunération – Intro dossier – paru dans la revue Echanges de juillet-août 2012) et l’ordre de présentation sont représentatifs de l’ensemble des questions que peuvent susciter la rémunération variable et plus globalement le système de rémunération, aussi bien pour les directeurs financiers que pour les fonctions ressources humaines.

Les réflexions des 2 universitaires évoquent des points de vue très différents quant aux évolutions nécessaires de la fixation de la rémunération des salariés.

Resituant la rémunération dans une logique de récompense du mérite, Philippe Coursier (article Rémunération – mérite) constate que les évolutions de l’ensemble des modes de rémunération depuis 1945 arrivent aujourd’hui à des résultats insatisfaisants pour 2 raisons principales : la multiplication des modes de rémunération collective, justifiée en son temps par une volonté de fédérer la collectivité des salariés autour d’objectifs et de résultats communs, et l’inadaptation des règles de droit alourdies par une jurisprudence freinant toute possibilité d’individualisation des rémunérations.  La défense des rémunérations au mérite passe pour P. Coursier par l’émergence d’un statut social protecteur permettant, en sortant du cadre restrictif d’un contrat de travail en CDI devenu inadapté, d’individualiser les droits sociaux devant être rattachés à la personne. Dégagées partiellement de ces obligations de sécurisation des individus qui seraient mises en place dans un cadre restant à définir précisément dans un nouveau modèle social, les entreprises auraient la faculté de déterminer la rémunération en fonction de l’évaluation du travail réel des salariés.

Ce lien entre l’évaluation du travail et la rémunération des salariés est fortement combattu par Bernard Friot (article Rémunération – temps de travail) qui l’illustre par l’opposition entre les termes « salaire », lié à la qualification du salarié qualifiée d’espace de liberté, et « rémunération », associé à ce qu’il nomme la dictature de la performance. La vision sociologique et politique de B. Friot l’amène à considérer les salariés comme des mineurs économiques privés de la propriété de leur travail  comme la population du 18ème siècle étaient privée de sa citoyenneté par l’aristocratie. La solution consiste pour lui à déconnecter totalement le salaire du travail fourni et à établir des niveaux de revenus liés aux qualifications, s’étageant entre 1500 et 6 000 euros, nets d’impôts. Dans ce scenario, ce ne sont plus les entreprises qui versent directement les salaires, mais des caisses de salaire alimentées par des cotisations patronales. L’objectif est de mettre en place une nouvelle citoyenneté dans laquelle les personnes contribuent au bien commun par leur qualification !

Dans une vision plus réaliste , 2 DRH présentent la pratique de leur entreprise pour la rémunération variable. Si dans les discours des DRH, les 2 sociétés cherchent à concilier les  performances individuelles et collectives, leurs systèmes de rémunération variable sont néanmoins articulés différemment.

Chez Nespresso (article Rémunération – engagement) , l’accent a été porté depuis 2011 sur les critères collectifs liés à l’atteinte de résultats quantitatifs par le groupe international, l’entreprise française et depuis peu les équipes locales, et des objectifs individuels s’ajoutent pour tenir compte des besoins de développement identifiés conjointement par les managers et leurs collaborateurs. Les objectifs collectifs sont un levier de la performance individuelle, dans une volonté générale de tendre vers l’excellence par une amélioration de la qualité de service. Cette prédominance du collectif est souhaitée dans une logique s’inspirant de l’émulation vécue dans une discipline collective plutôt que de la pression ressentie par des individus isolés. La difficulté ressentie par la DRH porte sur les indicateurs de mesure de performance, mais 3 principes jugés fondamentaux permettent à ses yeux de trouver des solutions adéquates : la cohérence avec les priorités commerciales et les valeurs de l’entreprise, la transparence garantie par le respect des indicateurs initialement annoncés,  et l’équité concrétisée par la capacité à expliquer les les rémunérations versées sur la base de critères objectifs et factuels. Mis en place grâce à un investissement important du management, ils confortent la stratégie de Nespresso.

Pour ID Logistics (article Rémunération – performance individuelle et collective) , l’accent est mis sur la performance individuelle mesurée par l’atteinte d’objectifs clairs, précis, mesurables, et déclinés selon la nature des postes : des primes de production mensuelles assises sur des objectifs qualitatifs, quantitatifs et de sécurité pour le personnel de production, et des primes liés à des objectifs qualitatifs en lien avec le métier et les fonctions occupées pour les autres catégories de personnel. Le risque de pression individuelle évoqué par la DRH de Nespresso est apparemment géré d’une part par un rôle actif donné aux CHSCT en tant que relais de la hiérarchie, d’autre part par une politique soutenue de promotion et de mobilité interne. La rémunération collective existe par le biais des dispositifs de participation et d’intéressement ainsi que par un plan d’épargne groupe en cours d’élaboration dans une logique d’association de chaque collaborateur au capital du groupe.

Cette association des salariés au capital est le sujet des articles rédigés par la société Debory Eres (articles Rémunération – actionnariat et Rémunération -business), qui présentent les règles et objectifs de la mise en place d’une telle opération. Au-delà des aspects opérationnels (communication avant et après le lancement de l’action, choix des outils, sélection des opérateurs), l’accent est mis sur le caractère essentiel de l’objectif en termes de ressources humaines : dans quel cadre l’entreprise est-elle prête à partager la valeur créée avec des collaborateurs qu’elle souhaite motiver, attirer ou retenir ? L’association des objectifs RH et des objectifs de business dans un contexte propre à chaque entreprise détermine le choix des outils et la procédure à mettre en œuvre.

La prise en compte du contexte du client est également logiquement le cœur de la démarche présentée par Kurt Salmon dans l’article (article Rémunération – performance) évoquant le lien nécessaire entre un système de rémunération variable et la performance de l’entreprise. Après un rappel des différents types de rémunération, puis la présentation de facteurs pouvant expliquer la résurgence de cette problématique, nous présentons une démarche d’accompagnement dont la première étape est un diagnostic des pratiques de l’entreprise qui doit permettre d’évaluer le système existant au regard des objectifs stratégiques. Une analyse qualitative, menée principalement par le biais d’entretiens avec un panel représentatif des salariés, et  quantitative (mesure précise des rémunérations variables versées, de leur poids dans la rémunération globale, de leur variation,…)doit servir de base à une deuxième phase de proposition d’une évolution du système, avant l’assistance à la mise en place, dans toutes ses composantes (juridique, technique, sociale). L’article conclut sur la pertinence d’une telle démarche par rapport au lien souvent distendu entre les salariés et leur entreprise.

La nécessité d’entretenir ce lien est le point de départ de l’article suivant de Jérôme Margotin de la société Co&Sens(article Rémunération – système) , qui présente des démarches menées par les entreprises pour tenter de mener une politique salariale susceptible de séduire des salariés tout en maîtrisant l’aspect budgétaire. Justifiant et présentant des matrices d’augmentation salariale sous l’angle de la rémunération de  la performance, J. Margotin évoque un certain nombre de critères et de performances pris en compte par les rémunérations variables, avant de lister dix points clé à retenir pour élaborer un système de rémunération pertinent. Le dernier point est la place des managers dans ce système.

Le dernier article du dossier, rédigé par Catherine Millet Ursin (article Rémunération – évaluation), l’interlocutrice principale de l’équipe Rémunération de KS, rappelle les principes et règles à respecter pour que l’entretien d’évaluation, outil central pour les managers dans l’appréciation de leurs collaborateurs ,puisse jouer son rôle. Introduisant son article par un rappel de l’article de P. Coursier qui expliquait que la rémunération permettait d’évaluer les salariés les uns par rapport aux autres, C Millet Ursin rappelle que l’évaluation est de la responsabilité de l’employeur mais qu’elle doit répondre à des critères, notamment de transparence et d’objectivité qu’elle explicite. Sa conclusion, en phase avec l’un nos postulats de base, est que la communication est primordiale, pour l’évaluation comme pour d’autres aspects de la sphère RH.

Auteur : Jérôme Remy – Senior Manager,  RH-Management

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