Digitalisation de la relation employé-employeur – Episode 2/3

Le 15 décembre 2015 s’est tenu le Club CSP RH Kurt Salmon autour d’une problématique sensible : les enjeux de la dématérialisation RH pour les CSP, et plus particulièrement, dans le cadre de la digitalisation de la relation employé-employeur. Cet article, se concentrant sur les sujets juridiques, est le deuxième d’une série de 3 articles sur ce thème.

Quelle maturité pour les CSP RH face à la dématérialisation des processus et documents RH ? Quels sont les enjeux et contraintes juridiques à prendre en compte lors du déploiement d’une solution ? Comment se structure le marché des solutions techniques de dématérialisation, et comment évaluer la pertinence de ces offres ? Quelles sont les bonnes pratiques à retenir lors de la mise en place d’une démarche de dématérialisation ? Tels sont quelques-uns des thèmes abordés au cours de la séance, complétés comme à notre habitude par un retour d’expérience particulièrement éclairant et commenté du département Gestion Administrative et Paie de Natixis.

Le lancement de la dématérialisation des documents RH en France

Deux textes fondateurs ont engagé le mouvement de la dématérialisation des documents au sein de la fonction Ressources Humaines. Le premier fut la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 « portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique ». L’article 1316-1 du Code civil, créé par cette loi, donne à l’écrit sous forme électronique la même valeur de preuve que l’écrit sur support papier. En offrant valeur probante aux documents RH sous forme électronique, ce texte a permis le lancement de la dématérialisation en France. Cependant cette loi excluait la dématérialisation du bulletin de paie qui ne sera autorisée que 9 ans après, lors de la promulgation de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009, dite « de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures ».

Afin que les documents sous format électronique obtiennent valeur probante, ceux-ci doivent toujours respecter plusieurs obligations :

  • L’authenticité de chaque document doit être vérifiable. Dans le cas de documents dématérialisés, l’identité de l’auteur du document peut se certifier grâce à un certificat électronique.
  • Il faut pouvoir certifier l’intégrité du contenu et la datation du document dématérialisé. La signature électronique permet de remplir cette condition légale, tant que celle-ci est sécurisée et créée par un dispositif sécurisé de création de signature (SSCD). Certaines normes garantissent l’intégrité du document, telle que la norme Afnor Z 42-025 pour le bulletin de paie électronique.
  • Finalement, il faut pouvoir assurer la pérennité du document, notamment dans le cas du bulletin de paie électronique. Ceci implique donc la nécessité de mettre en place un système d’archivage viable.

La mise en place des coffres-forts numériques pour répondre aux exigences légales

Les coffres-forts numériques sont des espaces d’archivage qui comportent des processus et des mécanismes de sécurité garantissant à la fois l’authenticité (certificats électronique, horodatage, etc.), l’intégrité (signature électronique), et la pérennité des documents (archivage fiable). La CNIL recommande que les données soient chiffrées à toutes les étapes du processus, du transfert vers et depuis le coffre ainsi que le stockage. De plus, seul le salarié doit avoir accès à ce coffre-fort en ligne et à son contenu, grâce à une authentification et une navigation sécurisée. Ces coffres-forts sont donc à distinguer des espaces de stockage simples ou d’archivage non probatoire, qui ne comportent pas de mécanismes poussés de sécurité.

Le marché des coffres-forts numériques s’est développé assez lentement au début des années 2000, puis l’offre s’est fortement étoffée depuis la loi de 2009, autorisant la dématérialisation des bulletins de salaire. De nombreuses entreprises préfèrent recourir à des prestataires externes pour des questions de coûts mais également de responsabilité légale, puisqu’il incombera alors au prestataire externe de respecter les impératifs légaux liés à l’archivage. Cependant, l’entreprise reste légalement responsable de son choix de prestataire. C’est pourquoi des labels et des normes permettent de les orienter vers des offres sécurisées, comme la norme Afnor NF Z42-013 propre aux tiers-archiveurs, ou encore le label CNIL pour les services de coffre-fort numérique.

Une transition progressive vers la digitalisation

La dématérialisation des documents RH permet de réduire les coûts liés à l’envoi en masse de documents et facilite pour le salarié l’accès et l’archivage des documents. Cependant, la transition vers la digitalisation est encore lente en France. Par exemple, au sein d’un groupe international comme Solvay, le taux de dématérialisation n’atteint en France que 15%, comparé à 95% en Allemagne ou 73% en Grande-Bretagne.

Le passage au numérique est particulièrement difficile pour le bulletin de paie. La première difficulté provient de l’article L.3243-2 du Code du travail, selon lequel l’employeur doit obtenir l’accord préalable du salarié afin de pouvoir éditer ses bulletins de paie sous forme électronique. Le salarié dispose également de la possibilité de pouvoir revenir, à tout moment, au format papier. Ceci force les entreprises à faire coexister à la fois le système papier et le système électronique. La seconde difficulté est plutôt sentimentale : le bulletin de paie étant symbolique, les français ont tendance à préférer une version « papier ». Cependant, l’arrivée des nouvelles générations pourrait inverser la tendance.

Jean-Christophe Sciberras, DRH du groupe Solvay, a rendu le 27 juillet 2015 au gouvernement son rapport « Pour une clarification du bulletin de paye » (accessible ici). Constatant le retard de la France en matière de dématérialisation, celui-ci préconise « d’inverser la règle d’option », faisant du format électronique le mode de remise par défaut du bulletin de paie, et le format papier une option à la demande du salarié. De même, le rapport recommande la mise en place d’un coffre-fort numérique public géré par la Caisse des dépôts et consignations. Alors que les bulletins de paye des fonctionnaires sont progressivement dématérialisés sur un « espace numérique sécurisé » au cours de l’année 2016, le mouvement de la dématérialisation semble clairement s’accélérer en France.

Vous pouvez lire ou relire le premier épisode de cette série Digitalisation de la relation employé-employeur en cliquant ICI.

Retrouvez le 3ème et dernier épisode de cette série la semaine prochaine !

Auteur : Charles Puton, Business Analyst RH Management

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