Maintien dans l’emploi : les accords de performance, un outil très souple pour les entreprises

Les récentes productions législatives visent à offrir aux entreprises une diversité de dispositifs mobilisables pour répondre à l’ampleur de l’enjeu de maintien dans l’emploi. La conjugaison de cet enjeu avec les nécessités de fonctionnement des organisations n’est pas une tâche aisée. 

Dans ce paysage évolutif, l’accord de performance collective se distingue. Mais quelles en sont les différences avec les autres mécanismes de flexibilité ? Quelles sont les logiques induites par cet accord ? Quel périmètre couvre-t-il ?

Quels sont les points d’attention lors de la mise en place de ce dispositif ? Cet article a pour objectif de vous apporter des éléments de réponse à ces interrogations.

 

Une des options pour les entreprises dans la mosaïque des dispositifs de flexibilité 

Les incertitudes quant aux suites du ralentissement économique et aux impacts financiers de la crise sanitaire de la Covid-19 amènent les entreprises à se doter d’outils de flexibilité permettant d’apporter une réponse à moyen terme face à la situation actuelle.  A ce titre, le recours à l’activité partielle qui a concerné plus de 14 millions de salariés [1] demeure un levier de premier plan. Cependant, ce pansement économique réactif face à l’intensité de la crise ne saurait s’inscrire sur du long terme. Fort de ce constat, le plan de relance du gouvernement présenté le 3 septembre dernier, intègre un nouveau dispositif : l’activité partielle longue durée.

L’activité partielle longue durée permet aux entreprises de diminuer l’horaire de travail de ses salariés, et de recevoir pour les heures non travaillées une allocation cofinancée par l’Etat et l’Unedic en contrepartie d’engagements, notamment en matière de maintien en emploi. Mais l’activité partielle longue durée n’est pas le seul outil mobilisable par les entreprises dans ce contexte de diminution de l’activité.

D’autres dispositifs préexistants sont désormais de plus en plus plébiscités, parmi lesquels la rupture conventionnelle collective et l’accord de performance collective. Le premier autorise des ruptures collectives du contrat de travail d’un commun accord entre le salarié et l’employeur dans le cadre d’un accord collectif signé au niveau de l’entreprise ou d’un établissement. La rupture du contrat de travail intervient ici à l’initiative du salarié qui se porte volontaire. L’employeur est libre d’accepter ou non sa demande. En cas d’accord, le salarié bénéficiera de mesures d’accompagnement et de reclassement sur un emploi équivalent. A la différence du plan de sauvegarde dans l’emploi, la rupture conventionnelle collective favorise la concertation en excluant des décisions imposées aux salariés.

L’accord de performance collective quant à lui se distingue des deux dispositifs cités en amont. Il remplace depuis 2017 l’accord de maintien dans l’emploi et représente une solution de substitution à disposition des entreprises. L’objectif de cet accord est de permettre aux entreprises de s’adapter aux fluctuations de l’activité, de préserver ou développer l’emploi en agissant sur trois variables d’ajustement : la durée de travail, la rémunération ou la mobilité des salariés.

[1] Données issues du tableau de bord publié toutes les deux semaines par la Dares en collaboration avec la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

 

Une nouvelle dérogation au principe de faveur dans l’articulation des normes en droit du travail

L’accord de performance collective introduit une nouvelle disjonction dans le principe de faveur régissant l’articulation des normes en droit du travail. Ce principe énonce qu’une norme de niveau inférieur peut déroger à une norme de niveau supérieur, dès lors qu’elle prévoit une disposition plus favorable pour les salariés. Ainsi, en cas de conflit entre deux normes de niveau différent, par exemple entre un accord d’entreprise et le contrat de travail, l’application de la norme la plus favorable pour les salariés sera effective et non celle résultant de la norme supérieure.

Avec l’accord de performance collective, les clauses du contrat de travail peuvent être remplacées par les stipulations moins favorables quand bien même il s’agit d’éléments substantiels du contrat de travail notamment en ce qui concerne la rémunération.

Cette nouvelle extension des domaines où le contrat de travail ne s’applique plus face à un accord d’entreprise moins favorable entre en parfaite cohérence avec le nouveau paysage juridique façonné par les dernières évolutions législatives en la matière [2].    Elle nous offre un nouvel exemple de la volonté du législateur d’accorder la primauté aux résultats de la négociation des acteurs sociaux.

[2] Plusieurs réformes ont écarté l’application du principe de faveur : l’ordonnance du 16 janvier 1982, la loi du 4 mai 2004 ou encore la loi du 8 août 2016.

 

Un dispositif souple et allégé facilitant la diminution des salaires

Si l’accord de performance collective ne dénote pas dans la mouvance de transformation du droit du travail, il n’en n’est pas moins singulier à plusieurs égards.

Tout d’abord et comme évoqué précédemment, la signature de l’accord s’impose au contrat de travail. De fait, en cas de refus par le salarié, celui-ci peut être licencié pour un motif sui generis (le refus de l’accord constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement) ce qui neutralise le risque de contentieux juridique pour les entreprises. Le salarié bénéficiera alors d’un abondement exceptionnel de son compte personnel de formation afin de lui permettre d’envisager une éventuelle reconversion professionnelle.

Par ailleurs, et à la différence de l’accord de maintien dans l’emploi, l’entreprise recourant à l’accord de performance collective n’est pas dans l’obligation de justifier de difficultés économiques. Enfin, l’accord de performance collective ne fait l’objet d’aucune validation administrative, il est simplement déposé auprès du ministère du travail.

Depuis 2017, plus de 350 accords ont été passés : la majorité concernant le temps de travail. Mais dans le contexte actuel leur nombre pourrait exploser avec une forte inflexion portant sur la rémunération.

Utilisé à cette fin (dans cette hypothèse), l’accord de performance collective peut prévoir une diminution de la rémunération des salariés dans le respect du SMIC et des salaires minima conventionnels hiérarchiques [3]. La notion de rémunération couvre ici le salaire indépendamment de la périodicité de calcul et les accessoires de salaire. Ainsi, un accord de performance collective peut garantir le maintien du salaire tout en augmentant en parallèle le temps de travail et en réduisant le salaire horaire.

De plus, le dispositif peut également réduire le taux de majoration des heures supplémentaires, toutefois dans le respect de 10 % en application de l’article L. 3121-33 du code du travail.

[3] Les salaires minima conventionnels hiérarchiques sont définis par accord de branche.

 

Les acteurs sociaux, pierre angulaire de la réussite du dispositif

Comme pour tout accord d’entreprise, la validité de l’accord de performance est conditionnée à la signature, d’une part de l’employeur ou de son représentant, et d’autre part, d’une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés [4].

Dans la conjoncture actuelle, une attention toute particulière devra être portée à l’équilibre du débat social. L’actualité récente nous a donné des exemples qui alimentent la défiance envers ce dispositif.

Les exigences de transparence et de loyauté devront guider les négociations entre les partenaires sociaux. Pour ce faire, le degré de précision des informations intégrées dans l’accord sera déterminant. A ce titre certaines modalités complémentaires de mises en œuvre de l’accord sont très fortement recommandées. On peut citer l’effort collectif assumé par les dirigeants et les actionnaires, les modalités d’information des salariés ou encore l’encadrement de la vie professionnelle et personnelle.

[4] En l’absence de délégué syndical, s’appliquent les modalités de négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ou de conseil d’entreprise.

Par ailleurs, des clauses de retour à meilleure fortune en cas d’amélioration de la situation économique permettront de réviser les conditions de l’accord et ainsi d’en adapter son évolution dans le temps.

En somme, l’objectif de maintien dans l’emploi doit demeurer le fil conducteur de la mise en œuvre de l’accord de performance collective. Cet accord est l’un des outils de flexibilité à disposition des entreprises, à charge pour ces dernières, en concertation avec les partenaires sociaux, de l’adapter à leur contexte dans le respect des exigences du dialogue social pour transformer des difficultés conjoncturelles en réussite collective.

——Léo BARBOLOSIConsultant
Pour en savoir plus, vous pouvez contacter :
Jérome REMY –  Senior Manager
jerome.remy@wavestone.com

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